MULE JENNY – Take Enough Leeway – (Vicious Circle)

Avec “Take Enough Leeway“, Mule Jenny franchit clairement une étape. Si le premier album, pensé et enregistré en solitaire par Étienne Gaillochet (batteur et chanteur de We Insist!), portait la marque d’un artisanat total et assumé, ce second chapitre s’ouvre comme un espace de jeu nettement plus collectif. L’arrivée de Max Roy et Théo Guéneau, soit les 2/3 de Lysistrata, ne dilue en rien la personnalité singulière du projet : elle la propulse ailleurs, dans un endroit où l’urgence live (l’album a été mis en boîte en trois jours) se frotte à une écriture toujours aussi alambiquée (cassures rythmiques et autres structures en zigzag), mais désormais traversée par un vrai sens du refrain.

On ressent immédiatement une certaine tension empruntée à la rigueur du math-rock, mais on devine aussi que quelque chose a changé depuis la sortie de “All This Songs Of Love And Death“ en 2021. Ici, le trio respire ensemble, compose pour la scène autant que pour un format physique ou digital, comme si chaque titre devait pouvoir exploser en direct. L’énergie est certes brute, mais l’ensemble se pare de nouvelles influences, titillant de-ci, de-là les codes de l’indie-rock, voire de la pop au sens le plus noble du terme.

Avec “Take Enough Leeway“, Mule Jenny ouvre des fenêtres et laisse entrer la lumière. Les mélodies ne sont plus de simples accidents heureux et le trio prouve avec un indéniable savoir-faire qu’on peut faire chanter des structures tordues ou encore transformer la dissonance en hymne potentiel. Une belle leçon de liberté, électrique et nuancée à souhait.