Instrumental, tendu comme un câble sous tension, le premier long format de Vantre est autant une belle réussite qu’une curiosité de part la formule proposée : deux basses, une batterie, rien d’autre. Pas de guitare pour adoucir les angles ou gonfler l’ensemble, encore moins pour jouer aux héros de la six-cordes, pas de chant pour servir de guide : juste la matière brute, sculptée avec une impressionnante maîtrise et une liberté artistique pleinement assumée. Cette configuration atypique donne au trio une identité immédiate, où chaque note semble peser son poids de tension.
Enregistré par Peter Deimel (Shellac, The Kills, Lysistrata…), le disque porte cette patine sonore sèche et sans vernis qui définit si bien l’esprit du mythique Black Box Studio. Les instruments sonnent comme s’ils jouaient dans la pièce d’à côté, du genre nerveux et sans filet. Amaury Sauvé, au mixage (Birds In Row, It It Anita, Pneu, W!zard…), accentue encore un peu plus cette sensation d’urgence contrôlée, laissant les basses s’entremêler dans un dialogue explosif, pendant que la batterie découpe – et pas toujours de manière conventionnelle – les mesures à la hache.
“Clonocracy“ navigue – plus ou moins – dans les eaux mouvementées du math-rock, mais sans jamais tomber dans le piège de la démonstration gratuite. Ici, la technique est au service de l’impact. Les structures sont mouvantes, imprévisibles, mais jamais hermétiques, preuve d’une certaine ouverture d’esprit et d’une volonté de favoriser le mélange des genres. Car Vantre injecte aussi dans sa musique une noirceur plus frontale héritée du noise-rock, tout en y apportant quelques nuances plus colorées, pour ne pas dire psychédéliques. Un joli numéro de funambule, qui n’empêche aucunement les protagonistes de garder le contrôle jusqu’au bout.
“Clonocracy“ est un album qui refuse la facilité et exige une vraie écoute. Mais pour qui accepte de s’y plonger, c’est une expérience dense et tendue, qui vaut sacrément le détour. Dans un paysage musical saturé de clones, Vantre choisit une voie instrumentale singulière, sans un mot, pour définir son propre terrain de jeu avec une assurance digne d’un groupe chevronné. Vivement conseillé, c’est le moins qu’on puisse dire.

