Depuis 2012, James Kent, alias Perturbator, cultive une approche radicale et organique de la synthwave, où tension et malaise remplacent la complaisance rétro. Après “Dangerous Days“ (2014) et “The Uncanny Valley“ (2016), qui déclinaient un son hybride entre dancefloor infernal et dystopie synthétique, “New Model“ (EP sorti en 2017) a marqué une certaine rupture : notre homme a troqué le clinquant pour l’expérimentation, la chaleur des néons pour la froideur de l’acier.
Avec “Age of Aquarius“, son sixième album, Perturbator parachève cette métamorphose. James Kent ne cherche plus forcément à provoquer : il construit, équilibre, affine. L’ombre industrielle de “Lustful Sacraments“, son précédent long format (2021), plane toujours, mais la matière est ici plus fluide, plus mélodique, voire cinématographique à bien des égards. Chaque son y semble pensé et sculpté avec une précision chirurgicale. Les collaborations (Ulver, Author & Punisher, Greta Link, Alcest) élargissent encore un peu plus le spectre émotionnel, entre lumière éthérée et oppression mécanique.
Perturbator est plus un artisan du son, un architecte du chaos, qu’un simple héritier de la synthwave. En dépouillant le genre de sa nostalgie, il en a restauré la puissance et la menace. “Age of Aquarius“ a assurément des allures de bande-son, celle d’un monde au bord du gouffre. Mais c’est surtout un album sournoisement froid et savamment majestueux, qui prouve qu’au-delà des machines et autres circuits imprimés, l’humain reste le seul maître de ses émotions.

